Dans la pharmacopée chamanique ne figure pas que des plantes hallucinogènes aux effets spectaculaires, mais néanmoins fondamentaux dans la pratique du chamanisme, et principalement des rituels de médecine indigène. On y trouve aussi des plantes, comme le tabac qui, au regard de la science, ont une action plus faible sur le corps humain. Pourtant, lorsque Christophe Colomb découvre du tabac dans la pirogue d’Indiens Caraïbes, il comprend très vite que cette plante a une importance dans la vie des Indiens.
Les observateurs et grands découvreurs du XVIe siècle avaient très vite compris que les amérindiens considéraient cette plante comme très précieuse et ils remarquèrent qu’ils la cultivaient dans chaque jardin.
On ne sait pas si ce premier tabac qu’on vit fumer par les Indiens Caraïbes était du Nicotiana Tabacum, qui rendit célèbre l’île de Cuba, ou du Nicotiana Rustica, que les amérindiens cultivaient sur tout le continent. En tout cas, ce dernier était plus fort que le tabac cultivé ensuite par les Européens à Cuba et Saint Domingue, et il produisait des effets narcotiques.
Utilisé par tous les chamanes et guérisseurs des sociétés amérindiennes, le tabac, qu’André Thévet, un des premier découvreur français, a appelé l’« herbe cordiale », était réservé aux cérémonies chamaniques ainsi qu’aux chefs des tribus qui en offraient à leurs invités. Principalement fumé chez les Olmèques et les Aztèques du Mexique ou les Mayas d’Amérique centrale, les Indiens Taïnos de l’île d’Hispaniola, préparaient le tabac en décoction et ajoutaient une poudre hallucinogène au breuvage pour les plonger dans l’ivresse nécessaire aux rituels de leurs chamanes.
L’accoutumance était si forte que les Chrétiens s’y adonnèrent et l’introduisirent dans toute l’Europe, puis, de par le monde.
Dans le monde indigène préhispanique, le tabac était fumé dans des pipes aux ornements sacrés, preuve de l’importance du rituel. On le roulait aussi en énormes cigares, des « pétards » disait Bartolomé de las Casas, ou bien, on le buvait après avoir extrait son jus des feuilles broyées mises en décoction dans de l’eau. Aujourd’hui encore, les indiens d’Amérique du Nord le fume dans un calumet, tandis que les Amazoniens le boivent en jus.
Les propriétés inhérentes à cette plante facilitent les modifications de conscience pour l’accession des chamanes aux mondes des esprits. On trouve entre autre, parmi les effets :
Le tabac sert aussi pour la transe chamanique et pour purifier et guérir les malades : le chamane souffle la fumée du tabac sur le patient pour chasser les mauvais airs, la contagion et la mort. Il purifie les saletés et écarte le mal.
Enfin, le tabac est utilisé dans les expéditions de chasse : le chasseur fume pour dresser une barrière de fumée autour du territoire qu’il va parcourir et pour lui donner le pouvoir de viser juste.
Cette association entre le tabac et le savoir est répandue sur tout le continent américain. On la retrouve aussi, dans une moindre mesure, en Sibérie, en Asie et en Océanie : les Kanaks, par exemple, lorsqu’ils font la coutume, offrent du tabac en plus de la pièce traditionnelle de tissu, le manou. C’est le rappel à la mémoire des anciens, le signe du respect des traditions.
Pour tous les chamanes, le tabac permet de recevoir et de décoder les messages du monde surnaturel, il favorise la mémorisation des chants traditionnels. On comprend alors pourquoi cette plante hautement symbolique, est aussi importante que les substances hallucinogènes présentent dans l’inventaire chamanique.