L’histoire du chamanisme remonte à la nuit des temps, mais n’est connue que depuis cinq siècles. Il aura fallu que les Européens se mettent à explorer les continents et qu’ils rencontrent un peu partout dans les forêts amazoniennes, dans les steppes sibériennes, dans les prairies américaines, dans les déserts australiens et sur la glace arctique, des individus qui affirmaient pouvoir communiquer avec les esprits afin de guérir les malades, pour que cette pratique millénaire intéressât les scientifiques.
Les premiers explorateurs, au seizième siècle, confrontés aux chamanes, furent choqués et rebutés par les pratiques extrêmes de ces derniers : jeûnes insensés au point de ressembler à des squelettes, utilisation de plantes et de breuvages psychotropes, transes hallucinées et démentes, chants et danses incompréhensibles, utilisation d’objets invisibles, sacrifices barbares d’animaux. Pour beaucoup de ces observateurs, les chamanes n’étaient que des imposteurs qu’il fallait démasquer.
Il fallut attendre le dix-neuvième siècle, et la naissance d’une nouvelle discipline, l’anthropologie, pour que les peuples indigènes qui pratiquaient le chamanisme, souvent traités de « sauvages » et de « primitifs », commencent à intéresser les premiers scientifiques de l’humain. Ils s’aperçurent bien vite, que ces hommes-sorciers n’étaient pas fondamentalement différents d’eux-mêmes.
Mieux, avec l’abolition des préjugés, au milieu du vingtième siècle, l’Anthropologie commença à s’ouvrir à une observation participative, et, parallèlement à des rapports détaillés, à des transcriptions fidèles des événements, bon nombre d’anthropologues s’essayèrent aux produits hallucinogènes absorbés pendant les rituels. Ils découvrirent, à leur grande surprise, qu’ils pouvaient avoir des expériences similaires à celles décrites par les chamanes.
Dans les années soixante, avec la consommation répandue d’hallucinogènes parmi la jeunesse de nombreux pays, l’intérêt soudain porté au chamanisme, déboucha sur les mouvement New Age et Hippie, qui entraîna l’explosion d’une nouvelle forme de chamanisme : le néo-chamanisme. On est alors loin de la compréhension au cœur même du chamanisme qui reste un mystère, mais le regard des gens a changé, il s’est ouvert, la compréhension peut enfin s’établir.
Quand on sait que le phénomène chamanique est apparu sur tous les continents, dans des régions si éloignées les unes des autres, on ne peut que comprendre que les pratiques et les conceptions chamaniques sont si anciennes et profondément humaines, qu’elles répondent à une histoire inconsciente innée, ancrée dans l’observation de la nature.
Etonnement, d’un bout à l’autre de la terre, les chamanes sont des hommes très différents. Mais ils pratiquent tous le même héritage chamanique universel : guérir et communiquer avec les esprits.