La légende dit : « Que les cortèges de druides au solstice d’hiver se rendent vers la forêt pour trouver le chêne sur lequel a poussé la plante sacrée. Que les druides vêtus de blanc montent dans le chêne pour recueillir le gui avec la serpette d’or ». Soyons clair, la cueillette du gui appartient à la légende. Même dans les écrits de Jules César, il n’est en aucun cas mentionné une quelconque cérémonie. Il dit simplement, que pour les druides, le gui était une plante sacrée, médicinale, qui avait de grands pouvoirs. Si grands, qu’elle est restée dans la légende.
Les druides celtiques avaient un culte certain pour le gui car les fruits, ces petites boules blanches qui rappelaient la semence de l’homme, avaient en macération, des vertus aphrodisiaques.
Les gravures représentant des druides avec une faucille d’or cueillant le gui, ne sont sûrement qu’images d’Epinal. Mais la légende était née ! Les chênes de l’époque étaient déjà le chêne vert que nous connaissons, et chaque paysan sait pertinemment qu’il est difficile de trouver du gui sur des chênes verts. On le trouve plus en abondance sur les pommiers et les peupliers. Le gui est un parasite, pour ne pas dire un cancer pour ces arbres.
Le gui par contre se trouvait en abondance sur le chêne rouvre, hélas disparu de nos forêts depuis des siècles. Imaginons, qu’au temps des Celtes, il y avait encore des chênes rouvres dans les forêts de Gaule et de Bretagne. La légende sera ainsi en partie sauvée.
Le gui est un petit arbrisseau qui forme de grosses touffes aux branches des arbres sur lesquelles il est fixé. Il s’accroche à son arbre porteur par une sorte de suçoir grâce auquel il se nourrit, en puisant dans la sève de l’arbre, l’eau et les sels minéraux nécessaires à son existence.
Pourtant, il ne faut pas se fier aux apparences, le gui n’est qu’un semi-parasite : il effectue lui même son travail de photosynthèse, c’est pourquoi, en hiver, sur les arbres dénudés, il reste étrangement vert. A l’ombre du feuillage touffu de l’arbre, le gui est une plante exceptionnellement douée pour capter l’énergie solaire et la lumière nécessaire à la photosynthèse de sa chlorophylle. Et de la chlorophylle, il en est richement doté jusqu’au plus profond de son être, jusque dans les suçoirs qui tiennent lieu de racines et qu’aucune lumière n’atteindra jamais.
Le gui, dans sa vie n’atteindra jamais une terre qu’il ignore : c’est au sens propre une plante extra terrestre. Est-ce pour cela que les druides en ont fait une plante sacrée ?
Pline l’Ancien écrivait déjà « que pour les druides, il n’y avait rien de plus sacré que le gui et l’arbre qui le porte, pourvu qu’il soit un rouvre, au point qu’ils n’accomplissaient aucune cérémonie sans le feuillage de cet arbre ».
On trouvait très rarement du gui de chêne rouvre, et quand on en découvrait, c’était un don du ciel, signe de l’élection de cet arbre par le dieu lui-même. On le cueillait donc en grande pompe religieuse, et ce, au sixième jour de la lune, qui marquait pour les druides celtiques, le début du mois.
Le gui était appelé « celui qui guérit tout », aussi, sa cueillette était-elle l’occasion de sacrifices et de festins au pied de l’arbre. On amenait deux taureaux blancs, tandis qu’un druide, vêtu de blanc, montait dans l’arbre couper le gui avec une serpe d’or, gui qui était recueilli sur un linge blanc. Ils immolaient ensuite les taureaux en priant le dieu de rendre son présent, propice à ceux auxquels il était accordé.
Le gui était une plante thérapeutique et médicinale. Les Gaulois l’employaient contre l’épilepsie, les maladies de la rate, les pertes utérines, les hémoptysies, et surtout, dans la résolution des tumeurs : pour se défendre des tumeurs de rejet riches en tannins, produites par les arbres agressés, le gui sécrète des substances capables de freiner la division cellulaire propre aux cellules malignes.
L’arbre porteur du gui fait généralement figure de victime, mais à tort. Lorsque l’arbre est agressé, le gui protège son support en lui renvoyant des sèves nutritives protectrices, ne pouvant accepter la mort d’un être qui entraînerait automatiquement la sienne.
De nos jours, le gui est reconnu comme hypotenseur, tonique cardiaque, diurétique, sédatif et antispasmodique.
Assurément, les multiples vertus thérapeutiques du gui, reconnues et prouvées scientifiquement aujourd’hui, apparaissent remarquables, mais suffisaient-elles jadis à élever ce petit arbrisseau au rang de plante sacrée ?
Les qualités symboliques de cette plante sont plutôt à rechercher dans sa capacité à se gorger de lumière alors qu’il vit au cœur de l’ombre des arbres sans jamais toucher la terre, à sa capacité de se propager par l’intermédiaire des oiseaux comme naissant du ciel porté par la foudre. Le gui est symbole de l’immortalité, de la vigueur et de la régénération.
Pour des raisons difficiles à déterminer, le gui est devenu le symbole du solstice d’hiver et du jour de l’an. Peut être, parce que l’année celtique commençait le premier novembre avec la fête de Samain qui était la porte ouverte vers l’Autre Monde, celui des dieux et des morts.
On pense que les druides extrayaient du gui une liqueur spiritueuse analogue au soma des Brahmanes, boisson divine et initiatique. Peut être est-ce là la véritable vénération du gui : six mille ans d’histoire et de traditions indo-européennes.