Son insularité, ses rochers, ses marécages, ses tourbières, ses lacs, son crachin, son brouillard et son inquiétante aura, protégèrent l’Irlande de la rapacité romaine. Les druides, interdits et pourchassés sur le continent gaulois, puis en Bretagne, survécurent sur cette île sacrée, jusqu’à la conquête par le christianisme. Alors, le feu qui continuait de brûler dans ce dernier sanctuaire de la tradition occidentale, s’éteignit à son tour. Les druides s’effacèrent et la science sacrée multimillénaire fut délaissée au profit d’une doctrine glorifiant les vertus de l’inculture, le rejet de tout effort vers le savoir profane.
L’Irlande a été christianisé par un seul personnage, Saint Patrick. Ce Breton romanisé, désireux de se venger de quelques années d’esclavage passées au service d’un druide d’Irlande, propagea son sirupeux message évangélique en allant tout droit à la cour de Tara, en 432, et en convertissant le premier roi Loegaire, ses filles, ses guerriers et ses druides.
Son zèle apostolique lui permit de réussir au-delà de ses espérances. Les « Filid », les Bardes d’Irlande attachés à la classe sacerdotale des druides, se convertirent les premiers. Le peuple, trop heureux d’être invité à participer à cette nouvelle foi, suivit l’exemple. Quelques années plus tard l’Irlande était chrétienne, sans heurt et sans martyr.
La christianisation de l’Irlande ne présenta pas que des inconvénients, car les « Filid », voués depuis toujours à la conservation orale de la tradition druidique, héroïque et sacrée, se reconvertirent en moines copistes.
Après s’être fait la main en recopiant psaumes et prières, ils furent pris du désir de retransmettre les légendes ancestrales, mais malheureusement, ils les baptisèrent d’eau bénite, en les triturant pour les obliger à entrer dans une chronologie biblique ridicule, qui s’adaptait sur l’Ancien Testament. Ainsi, ces pauvres moines copistes réussirent à occulter tout un pan de l’histoire celtique, en adaptant leur récits aux chronologies de Saint Jérôme qui faisait remonter la Création du monde au VIème millénaire. Le comble fut atteint au XVIIème siècle lorsque, à la suite de savants calculs de l’évêque anglican James Usher, il fut admis que le Monde avait été créé le vendredi 23 octobre -4004, à 9 heures du matin GMT.
Pourtant, la Genèse, composée de récits allégoriques, comme toutes les écritures sacrées, n’autorisait aucune tentative de datation. Les « Filid » irlandais ont été leurs propres victimes en adaptant leur mythologie à une Bible falsifiée.
La mythologie irlandaise relate apparemment l’origine des peuplements qui se succédèrent depuis la Création sur l’île, à cinq invasions post-diluviennes. En parallèle, d’autres manuscrits rapportent les aventures de Tuan Mac Cairill, qui survécut sous diverses formes animales, symbolisant les cycles de l’évolution. Cet unique survivant de la race de Pantholon, devint successivement Cerf, Sanglier, Faucon et Saumon, avant de renaître sous une forme humaine à l’époque de Saint Patrick, comme par hasard.
Nul ne peut dire à quelle époque les druides apparurent en Occident, mais la légende irlandaise dit que leur doctrine provient des îles du Nord du Monde, symbolisées par la mystérieuse île blanche hyperboréenne.
L’amalgame des péripéties de l’implantation d’une religion nouvelle, colportée dans le sillage des premiers indo-européens, de la fondation de l’église chrétienne par Saint Patrick, des druides, assimilés aux Tuatha Dé Danann, les dieux ou les sages, à cause de leur intelligence et de l’excellence de leur science, et enfin, du débarquement des Vikings, vers l’an 800, eurent pour effet de définitivement sceller le sort de l’héritage druidique celtique.
Le site archéologique de Tara, que les druides élevèrent au rang de capitale religieuse de l’Irlande donnera peut être un jour la réponse aux Irlandais qui ont ignoré les temps antérieurs au christianisme, tellement la religion était puissante sur leurs esprits.