Dans le cadre d’une culture planétaire, l’intégration du chamanisme est un véritable défi pour le monde industriel. Son attache au passé traditionnel et rural de tribus lointaines est difficile à associer dans la globalité actuelle. Pourtant, c’est ce que tente de faire le renouveau du chamanisme au sein de certaines tribus lointaines, qui, maintenant, ne sont plus lointaines ni tribales.
L’essence de la mondialisation actuelle peut déboucher, soit sur la dégradation et l’abandon du savoir indigène, soit, au contraire, sur son renforcement et sa transformation.
La pensée du chamanisme est plus fluide que dogmatique, quoiqu’il existe un certain nombre de caractéristiques typiquement chamaniques :
Cette pensée n’est pas sans implication en ce qui concerne l’appropriation du chamanisme dans la culture globale contemporaine, comme le New Age par exemple. En effet :
Il en résulte aujourd’hui que, bien qu’il n’y ait quasiment plus de chamanes, le développement d’une idéologie appelée « chamanisme » est en plein essor dans certaines régions (Sibérie par exemple) avec la renaissance d’une certaine forme de nationalisme. Des individus explorent le chamanisme comme support de la sagesse ancienne de leur peuple, du point de vue des techniques de guérison, de la réalisation personnelle, de la télépathie, des champs bioénergétiques et de la recherche de leurs propres origines ethniques. Cette tentative de réconciliation avec la tradition provient de la frustration créée par le régime soviétique qui, dans les années trente, a pourchassé, exilé et tué les chamanes.
Le chamanisme n’est pas une véritable institution adopté par un mouvement revivaliste. Tout un chacun participe à la vision chamanique sans s’en rendre compte : lorsqu’il scrute le vol des oiseaux, par exemple, pour savoir si la journée sera propice.
Pas besoin d’être rural pour se nourrir de ces traditions. Pendant que les ruraux continuent de vivre de la chasse et de l’élevage, les citadins se tournent vers leurs grands-parents campagnards pour puiser une sagesse ethnique authentique. Cette sagesse est tirée du savoir local avec les connaissances de l’homme sur la Nature : les saisons, le temps, le comportement des animaux, les plantes médicinales. Ce savoir local sert de base à une action intellectuelle qui puise dans l’environnement, l’expérience d’une renaissance du chamanisme.
Dans le cadre du New Age occidental, le chamanisme n’a jamais été indigène. Les mouvements qui s’y rattachent, pratiquent un chamanisme à la coloration cosmopolite et universaliste. Il ne saurait en être autrement, vu que ce mouvement tire l’inspiration et la légitimation de sa pratique, de gens aussi différents et hétéroclites que les chamanes indiens d’Amérique, les Lamas tibétains, ou les prêtres de l’Egypte Antique. La sagesse de ces civilisations est alors dépouillée de ses éléments spécifiques, comme la vénération des anciens, tradition si enracinée dans le contexte local.
Toutefois, parce ce qu’elle s’enracine dans la classe moyenne et le monde urbain, cette approche du chamanisme pose de sérieux problèmes concernant le positionnement de ses adeptes : croyances au pied de la lettre ou adaptation caméléon.
Loin d’être un véritable marché de dupe, le chamanisme moderne est truqué : les plantes médicinales ne sont que des usines à molécules ; le savoir indigène est empaqueté et formaté dans des banques de données. Un déguisement habile, conséquence de la globalisation.