Le chamanisme des steppes, Sibérie, Amérique du Nord, est né au sein de tribus autonomes dont la survie dépendait, entre autre, de la chasse et de la pêche. Il est donc évident que l’imaginaire chamanique soit peuplé par les esprits des animaux. Les rituels s’efforcent de contacter ces esprits. Les chamanes ensorceleurs avaient même pour fonction enchanter les animaux afin de rendre la chasse ou la pêche fructueuse.
Quand un chamane des tribus d’Amérique du Nord était sollicité pour assurer une chasse fructueuse, lorsque les réserves de nourriture d’hiver étaient épuisées, il commençait par envoyer des éclaireurs à la recherche des troupeaux. Quelquefois, le chamane lui-même pouvait indiquer où se trouvait le troupeau d’antilopes grâce à ses rêves.
Lorsque ce troupeau était localisé, la tribu construisait un corral sur un emplacement défini par le chamane. A la nuit tombée, des danses étaient organisées dans l’enclos, accompagnées de musique, et ceci jusqu’au petit matin. Le chamane se mettait en transe et effectuait des passes pour charmer le troupeau, afin de le rendre docile et de le guider vers le corral.
A l’aube, hommes, femmes et enfant partaient à la recherche du troupeau. Seules les femmes enceintes en étaient exclues, la présence d’une femme enceinte permettant aux animaux du troupeau de s’échapper du corral.
Plusieurs tabous étaient d’ailleurs fixés par le chamane : les rapports sexuels étaient interdits entre gens mariés pendant les jours de la construction de l’enclos ; les jeunes gens n’avaient pas le droit de flirter ; les chasseurs n’avaient pas le droit de se soulager aux alentours de l’enclos ; il ne fallait pas perdre un objet personnel dans le corral, cela affaiblissait la clôture.
Le troupeau repéré, le chamane par ses sortilèges, avec l’aide de la tribu, le conduisait vers l’enclos où il était abattu, assurant les réserves de nourriture.
Cette croyance, détachée des pouvoirs de guérison du chamane, jouait un rôle important dans le chamanisme Nord-américain.
Pour le chamanisme, chaque animal possédant son propre esprit, il est donc logique d’invoquer ces esprits pour bénir la chasse afin qu’elle soit fructueuse ou la pêche, pour qu’elle soit miraculeuse.
Un chamane ne peut concevoir de tuer un animal sans remercier son esprit pour le sacrifice qu’il a consenti.
Dans les régions arctiques hostiles, les chamanes inuits ont souvent pris comme auxiliaires les forces animales des monstres marins qu’ils chassaient (Morses, baleines). L’anthropologue danois Knud Rasmunssen a relaté au début du XXe siècle comment par accident, un Inuit attaqué par un morse qui l’avait blessé et entraîné par le fond, avait survécu en s’isolant dans une hutte de glace, et comment, guérit, il était devenu un grand chamane qui souvent invoquait l’aide bénéfique de l’esprit du morse qui l’avait attaqué.
Partout, les chamanes jouissent d’un prestige et d’une autorité considérable parce qu’ils cumulent le pouvoir de communiquer avec les esprits et les pouvoirs de guérison. Comme nous l’avons vu dans le chapitre le symbolisme du costume et du tambour, le chamane recherche la force animale des esprits en s’entourant d’attributs provenant de ces animaux (dents, serres, griffes, pattes, ailes, plumes).
La mythologie animale du chamane ne correspond pas à une réalité objective pour un observateur extérieur, mais elle se développe dans une communauté qui croit en cette mythologie, qui croit en des esprits protecteurs surnaturels et les animaux magiques font partie d’un système cohérent qui fonde la conception indigène de l’Univers. Il est donc cohérent de croire que le chamane puisse enchanter et charmer les animaux pour qu’ils acceptent leur sacrifice.
Le rôle de l’incantation proprement dite du chamane, n’est pas de susciter une expérience surnaturelle, mais bien de refouler les résistances psychologiques spécifiques. Alors, ainsi, les animaux peuvent être charmés.