Les anthropologues entrent dans la danse

La naissance de l’anthropologie sociale au cours de la seconde moitié du dix-neuvième siècle donna aux êtres humains la possibilité de s’étudier dans leurs différences réciproques. En pratique, cela permettait toujours à « l’homme blanc » d’étudier les « primitifs », comme l’avait déjà fait les missionnaires, mais d’une manière un peu plus scientifique. Heureusement, bon nombre d’anthropologues éclairés, explorèrent sans préjugé le monde des chamanes pour en rapporter une multitude d’informations.

Quand la compréhension s’approfondit

C’est quand les anthropologues se mirent à écouter attentivement les chamanes et à enregistrer ce qu’ils avaient à dire, que la compréhension du phénomène s’est approfondie. Du débat sur la santé mentale des chamanes, la polémique glissa peu à peu vers le domaine psychanalytique.
Il apparut alors qu’un vrai chamane puise sa sagesse et sa connaissance dans la solitude. « La solitude et la souffrance ouvrent l’esprit humain » !

D’une manière générale, il ne faisait pas le moindre doute que l’art sacré du chamanisme consistait à croire avant tout que les pouvoirs particuliers du chamane étaient capables de percer les énigmes de la vie et de traverser les épreuves que le commun des mortels était incapable.
Chez les Esquimau par exemple, Pinga est la maîtresse du gibier. Lors qu’un animal meurt, l’âme quitte son corps et s’envole vers Pinga, qui ensuite laisse l’âme s’élever vers un nouvel être, homme ou animal. Ainsi la peur de la mort n’existe pas.

Partout, les chamanes jouissent d’un prestige et d’une autorité considérables. Tout Homme-médecine se double d’un sorcier capable de tuer à distance. Cette ambivalence dans la personnalité du chamane qui, pour aider les hommes, doit être capable de leur nuire, est la caractéristique frappante du chamanisme.

La personnalité de l’homme médecine est un esprit lucide

Quand l’observation était trop superficielle

Pour bon nombre d’anthropologue, le chamane était un vaurien, un charlatan, un imposteur généralement rusé, mais ces appréciations étaient fondées sur une observation superficielle du chamanisme.
Lorsqu’un chamane aspire un os de l’abdomen d’un malade et le montre à l’assistance et au patient, il ne faut pas voir en lui un charlatan qui mystifie l’assemblée en faisant jaillir un os au moment opportun. Il ne joue pas davantage pour la galerie, lorsque, ayant frictionné d’une manière « appropriée » la partie malade de son patient, il récupère entre ses mains une chose invisible qu’il projette en l’air en s’éloignant avec gravité.

Il ne fait en réalité que reproduire des gestes traditionnels, appris parmi d’autres, et qui ont la confiance de tous. Il reproduit des méthodes ancestrales qui permettent d’éradiquer le mal et d’assurer la guérison du patient. Si lui-même tombe malade, il fait appel à un confrère pour que ce dernier le soigne à son tour selon une des méthodes traditionnelles. Les gestes, les incantations, l’exhibition d’un os, ne sont que l’expression manifeste de l’assurance que la cause de la souffrance ou de la maladie a été éradiquée ou rejetée. En médecine moderne, on appelle ce phénomène, l’effet placébo, mais il fonctionne : souvent la guérison est là, visible.

Les chamanes ne sont pas des imposteurs, ils exercent leur profession selon des usages transmis par leurs ancêtres, auxquels eux-mêmes et leurs compatriotes croient et dont ils ont constaté l’efficacité. Si un chamane échoue dans ses efforts, il doit être capable de défendre son prestige et d’expliquer par des arguments crédibles son échec (appelé trop tardivement, pouvoir d’un sorcier trop puissant, patient ayant brisé un tabou). Toutes ces raisons qui trouvent aujourd’hui un écho dans nos propres expériences.

En conclusion

L’anthropologie moderne l’a bien compris, le chamane, par ses comportements rituels visibles par tous, donne une garantie d’authenticité qu’il a acquise par une formation spéciale, que nous, Occidentaux, ne sommes pas encore capables de totalement appréhender.