Que les premières cartes soient apparues en Inde ou en Chine, en Perse ou au Moyen-Orient, qu’elles aient été peintes à la main, au pochoir ou imprimées, les premiers jeux de cartes qui apparurent en Europe, représentaient des figures du quotidien : le canard, le faucon, le chien, le cerf ou encore les cordages, les collets, les ceintures et l’amande. Les couleurs ont vu le jour avec Charles VII et les guerres d’Italie ont brassé les jeux.
La forme des cartes qu’on connaît aujourd’hui n’a pas été fixée depuis le début. Cette forme varia : on trouva des cartes rondes, ovales, triangulaires. Il fallut attendre le Roi de France Charles VII (encore lui), pour que sous sa cour, les cartes prirent la forme définitive que l’on connaît et que l’on commença à nommer les figures.
On s’inspira dans l’histoire, dans la Bible, dans les légendes, dans les noms des rois et des reines. Il y eut beaucoup de variations : Jeanne d’Arc fut tour à tour Dame de Cœur puis Dame de Pique.
En Espagne, il n’y eut d’abord pas de Reine. La société espagnole machiste, et peut être misogyne, présentait des jeux de cartes sans aucune figure féminine. Puis le Valet devint la « sota », la sotte…
Les grands centres de fabrication des jeux de cartes furent l’Allemagne et les nombreux Etats germaniques, puis la France. En 1450, l’Italie semble acquérir une réelle primauté. Le jeu dit « Trévisan » se pratique avec les symboles des Deniers, des Coupes, des Epées et des Bâtons, et annonce la mode des Tarots.
En 1582, Jean Gosselin, connu pour avoir traduit le calendrier grégorien du latin en Français à la demande du Roi de France Henri III, révèle que le jeu, déjà centenaire, a fixé les motifs Cœur, Carreau, Pique et Trèfle, non comme de la figuration, mais comme des symboles. Au lieu de représenter directement la plante appelée trèfle, l’arme nommée pique, l’organe dit cœur ou le revêtement de sol formé de carreaux, ces dessins deviennent des symboles : le Cœur est associé au clergé ; le Pique aux armes de la noblesse ; le Carreau à la bourgeoisie et le Trèfle au monde agricole.
Les symboles royaux furent supprimés durant la Révolution Française. On parla alors de libertés au lieu des Reines, on parla d’égalités en lieu des Rois. On parla de Fédérations et d’autres vertus. Les portraits de Robespierre, de Saint-Just ornèrent les lames.
Le goût de l’antiquité suivit. On vit des Gracchus, des Romulus, mais aussi des Achille et des Ulysse. Enfin sous l’Empire, Napoléon, Joséphine et les Maréchaux glorieux remplacèrent les Rois, Dames et Valets.
Au début du XVIe siècle, les cartiers français sont au faîte d’une gloire dont les Rois vont profiter en instaurant des taxes sur les cartes à jouer.
C’est Charles-Quint en Espagne, qui semble avoir eu cette idée le premier. Criblé de dettes, régulièrement acculé à la banqueroute, il avait fiscalisé à partir de 1543, les cartes à jouer en Castille. Imité par le royaume de Naples en 1577 et le Duc de Savoie Emmanuel-Philibert en 1579, la France y vint à son tour, par la volonté d’Henri III, en 1581.
Si l’impôt fut perçu par intermittence tout au long du XVIIe siècle, abandonné puis rétabli sous Louis XIV, suspendu sous la Régence, réintroduit puis abolit à la Révolution, la manne apportée par la taxe sur les jeux de cartes ne pouvait laisser insensible la République à court d’argent : l’impôt fut rétabli en 1798 et perçu sans interruption jusqu’en… 1945.
Les cartes à jouer, en plus d’être une manne financière pour les Etats, ont traversé les époques de l’Histoire, en nous apportant des symboles aux multiples ramifications.